Avec le soudain intérêt pour les violences policières de ces derniers jours, les comptes et réseaux sociaux de plusieurs personnes noires ont été pris d’assaut; leurs téléphones ont été noyés de “Que penses-tu de …/T’as vu à la télé que…/etc”, “J’aimerais avoir ton avis sur…”etc. Bref, c’est aussi le cas de mon blog, alors je le rappelle ici : en tant que femme noire, j’ai créé ce blog pour que d’autres femmes noires se sentent moins démunies face aux discriminations qu’elles subissent, et il est politique de rappeler qu’elles sont au centre de mon engagement. Si des personnes non-noires lisent ce blog et s’y informent, tant mieux; mais elles ne sont pas ma priorité.
Ces dernières semaines, j’ai vu ma petite soeur pleurer; des amies, épuisées; et plus largement des femmes à bout de nerf, énervées, ou tristes… J’en fais moi-même partie, et la règle des 300 secondes de Nkali Works a, pour beaucoup, atteint ses limites. Après quelques jours de recul et de repos forcé, je voulais écrire ce post pour rappeler que la conversation autour des violences policières n’a pas à commencer avec vous.
Ce n’est pas parce que certaines personnes (blanches ou non) ont choisi de s’y intéresser à une période si éprouvante, que vous avez le devoir de répondre, de faire un exposé, de prouver l’existence de ces violences, de citer les noms des victimes…. Il y a toujours eu des violences policières, toujours eu de la colère; même durant le confinement quand des hommes ou des femmes racisé.e.s se faisaient frapper avec leur attestation à la main. Pendant que l’opinion public se découvre une empathie, on se retrouve à écrire un “etc” après le nom des victimes les plus récentes car la liste est trop longue. Vous avez donc le droit d’être en colère, et vous avez aussi le droit de choisir vos moments, dans une conversation qui a commencé bien avant nous.
Si vous vous sentez impuissantes ou frustrées :
1. Reposez-vous.
Fermez Twitter, Facebook, voire Instagram. Allez regarder une série, n’allez pas reprendre la lecture d’un article ou essai sur le racisme “de peur de rater quelque chose”. Le monde ne s’effondrera pas, parce que vous vous reposez.
J’ai parlé plus longuement de comment “gérer” sa colère dans ce post :
Je vous rappelle que la logique d’être productif à toute heure du jour ou de la nuit est construit , et que se reposer est aussi un acte de résistance. Il y a notamment ce bel exemple qu’est The Nap Ministry (le Ministère de la Sieste), fondé par une femme noire, qui explique en détails ces faits (c’est en anglais, malheureusement).
2. Parler et échanger avec d’autres personnes qui vous font du bien
J’ai bien dit des personnes qui vous font du bien, pas des proches ou amis un brin passif-agressif ou avec qui une partie de la conversation va consister à expliquer pourquoi cette période est dure pour vous. Tournez-vous vers des personnes ressources, pour parler des derniers évènements ou d’autres choses. J’ai pas mal d’amies noires engagées qui, par de longues conversations, m’ont permis de me recentrer et de me rappeler qu’on existe en dehors d’un récit de souffrance et de douleur liée aux violences policières ou au racisme. Et avec tout ce que l’on traverse, c’était facile de l’oublier.
Vous pouvez aussi vous inscrire à cette masterclass gratuite organisée par NkaliWorks :
3. Soutenez les initiatives existantes, participez aux cagnottes et/ou rejoignez un collectif :
La pédagogie n’est pas un devoir. Il y a des centaines, des milliers de ressources produites par des personnes noires qui sont disponibles sur Internet, dans tous les médiums possibles. Vous n’avez donc aucune obligation à expliquer “qui que quoi” du racisme systémique, (si ce n’est peut-être aux plus jeunes). Personnellement, étant la yaya de ma famille, je passe plus de temps à expliquer à mes frères et soeurs comment préserver leur énergie ou l’utiliser de manière utile pour eux et pour nos communautés. Il y a des tas de manière de contribuer, de se mobiliser, en somme, de nous aider.
J’ai donc fait un petit thread non exhaustif sur les collectifs ou initiatives que vous pouvez soutenir (et n’oubliez pas les grévistes de l’hôtel Ibis; ou encore les gilets noirs):
A noter que, tourner la conversation des violences policières vers des questions d’allié.e.s/ de complices; d’imagerie de culpabilité blanche à coup de photographies avec genoux à terre, etc; ne nous concerne pas vraiment, et ne nous met pas au centre. Ce n’est pas l’empathie sélective de X ou Y qui a eu besoin de voir une vidéo atroce de George Floyd pour “s’intéresser”au racisme systémique qui nous concerne ; ce sont les familles des victimes qui n’ont toujours pas obtenu justice et la possibilité que les nôtres soient en danger. “C’est chacun son chacun” comme on dit. Concentrons-nous sur nous. On n’a pas le temps, sis.
4. Soutenez les créations et projets de nos communautés :
Malgré tout ce qu’on se tape, on réussit quand même à créer et à se mobiliser, et ça, c’est une force. Il y a une résurgence de listes répertoriant les marques et business blackowned ;et c’est aussi de l’occasion de regarder quels contenus on soutient aujourd’hui, que ce soit des livres (heeeeeeey !*clin d’oeil éhonté*), des chaînes Youtube, des podcasts, des blogs, etc.
Côté chaînes Youtube :
Si vous ne suivez pas Keyholes and Snapshots, je ne sais pas ce que vous attendez. Une chaîne afroféministe, qui aborde beaucoup de sujets.
Lejitim, une chaîne que l’on suit avec l’Afrolab et dont le contenu est louuuurd, plein de care, et aussi plein de contenus sourcés et passionnants sur les femmes noires.
Cerise Daily, une chaîne lifestyle qui parle à la fois de maternité, de féminisme, santé mentale, et beauté… J’apprécie particulièrement son contenu qui, tout en traitant de sujets légers, ne met jamais de côté les questions politiques quand elles se posent (mise en avant de marques afro, être une maman noire, etc).
Côté Podcasts :
Il y a évidemment des podcasts plus connus comme Le Tchip, Piment, The Why, c’est donc une liste non exhaustive.
Côté Livres :
Y en a plein en vrai et vous pouvez déjà avoir un aperçu avec la rubrique Books ou en tapant #BookReview, dans la barre de recherches donc je citerai le nouveau livre du collectif Piment, Le Dérangeur, un lexique pimenté sur les notions et les mots que l’on retrouve dans les discours d’aujourd’hui pour parler des communautés afro. Il est sorti en plein confinement, alors ne passez pas à côté et achetez-le chez votre libraire.
Il y a aussi des plateformes créatives comme BlackSquare, Afropea, et plein d’autres choses.
Toutes les ressources listées ne sont pas nécessairement centrées sur les questions antiracistes, car, je le redis, nous existons aussi en dehors de ce récit. Alors, faites attention à vous, et n’oubliez pas : vous êtes votre propre gardienne. Si vous voulez tenir, il faut vous préserver, car personne ne le fera à votre place.