#BookReview : L’incivilité des fantômes, de Rivers Solomon – un autre visage de la dystopie

Je ne suis pas très science-fiction quand il est question de livres. J’ai plus de plaisir à regarder un film ou une série du genre, plutôt que de me plonger dans un bouquin. Mais l’univers de Rivers Salomon m’intriguait autant que son auteur. J’ai donc fait une entorse dans ma pile de livres – promis, les prochaines bookreview ne sortiront pas des USA T_T.

Rivers Solomon est une personne transgenre afro-américaine, et livre dans L’incivilité des fantômes, une dystopie complexe autour du personnage d’Aster. Aster vit à bord du vaisseau Le Mathilda, ayant quitté la Terre il y a plus de 300 ans, à présent inhabitable. Durant ce laps de temps, les derniers survivants de l’humanité se sont organisés et la société d’Aster se divise aujourd’hui entre les Bas-ponts, où la population la plus pauvre cultive les terres agricoles et s’occupe des turbines du vaisseau; et les Hauts-ponts, où demeure les élites. Depuis plusieurs mois maintenant, les Bas-ponts souffrent des restrictions imposées par le roi Nicholaë; en plus de la charge de travail qui leur est imposée. Guérisseuse, Aster soigne tant bien que mal sa communauté des Bas-Ponts, jusqu’au jour où elle tombe sur le carnet de sa mère défunte. A l’aide son amie Giselle, Aster découvrira les réelles raisons de sa mère et, peut-être, le salut d’un peuple asservi…

POURQUOI FAUT-IL LE LIRE ?

Comme il serait très compliqué de résumer l’histoire de Solomon, je vais tâcher d’être assez concise, en listant les différents points :

  • Futur des oppressions : tout comme Octavia Butler avant iel, Solomon questionne la répercussion des oppressions sociales dans le futur: que ce soit l’homophobie ou la lesbophobie latente du régime (à l’encontre de Théo, ou du couple de Mabel); ou la reproduction de l’esclavage sur le vaisseau, la ségrégation raciale, l’auteur.e n’épargne rien. C’est d’autant plus intéressant que les personnages principaux
  • Le genre : Solomon explore le spectre du genre, par différents procédés. D’abord, par ses personnages, comme iel l’explique :

Aster est une lesbienne butch intersexuelle, mais peut-être agenre. Theo est une femme trans non binaire.

https://www.oif.ala.org/oif/?p=15918

Mais aussi par les us et coutumes de certains points (chaque pont est l’équivalent d’une région, environ) : sur le pont Q, les enfants se voient assignés le genre féminin jusqu’à la puberté, quelque soit leur sexe. En gros, Solomon propose un univers qui s’affranchit d’une grille de lecture hétéronormée et “cisnormée“, mais iel l’explique mieux que moi dans cet entretien passionnant.

“Ce sont mes interprétations, mais des arguments pourraient certainement être avancés pour d’autres classificateurs. Pour moi, le fait d’éviter les étiquettes a pour avantage de dire «les identités ne sont pas sacro-saintes». Pour moi, elles ne sont ni des vérités objectives, ni des réalités biologiques innées. Cela fait plutôt partie de la façon dont nous choisissons de nous interpréter dans un vaste réseau d’informations et de relations sociales.”

Ajoutons également qu’Aster est autiste, mais comme le reste, ce n’est jamais dit explicitement. On a donc une héroïne noire, butch, lesbienne, autiste, savante et badass… Can we get a Amen, here ? Je pense également que le fait que ce ne soit pas expliciter mot pour mot, permet une certaine fluidité dans la manière de s’imaginer les personnages, ce que revendique également Solomon.

  • La romance : je sais, je sais, c’est pas le coeur de l’intrigue, mais j’ai a-do-ré la romance entre Théo et Aster, j’ai trouvé que Solomon apportait un élément de réponse à une forme de romance qui serait différente des codes standards : C’était comme si on assistait à un amour courtois mais un peu plus revisité, et assurément afro et queer.
Rivers Solomon

Pour conclure, j’ai passé un bon moment. Le côté thriller de l’intrigue est bien mené : le lecteur progresse avec Aster dans sa quête de réponses, et on comprend très vite les enjeux politiques au sein du vaisseau. Les références historiques à la loi Jim Crow sont très présentes, y compris sur l’esclavage; et il y a une vraie valorisation des femmes noires et de leur lignage. Les seuls points négatifs sont, pour moi, la relation toxique avec Gisèle qui, même si elle est expliquée, est un peu cautionnée ou excusée par le narrateur. Le second point, et j’en parlais avec MxCordélia sur Twitter, c’est cette sensation de “premier roman”: la description est parfois trop envahissante, dans cette envie scolaire de tout dire sur les rouages techniques du vaisseau, ou la médecine d’Aster. Néanmoins, je suis curieuse de découvrir ses prochaines publications.

L’incivilité des fantômes est publié aux éditions Aux forges de Vulcain.

NOTE : attention, il y a de nombreuses scènes de viols, de violences physiques et pas mal de passages sur la dépression.

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