J’attendais avec impatience la sortie de ce livre, et une fois de plus, les éditions Syllepse ne m’ont pas déçus. Fania Noël-Montassaint est une militante afroféministe (que certaines d’entre vous connaissent peut-être déjà) et livre dans ce manifeste de moins de 100 pages, une réflexion sur la nécessité d’un horizon politique afro-révolutionnaire :”ma destination et mon propos sont la création d’une communauté politique afro-révolutionnaire en France, ayant pour objectif la libération noire et panafricaine“.
“Grand programme” diront certains. Noël-Thomassaint répond aisément à ce scepticisme avec pédagogie : partant d’un état des lieux des sphères militantes, elle décortique la nécessité de sortir d’un certain enlisement (le “black is beautiful”, la crispation autour de l’activisme noir américain, l’excellence noire façon Obama comme prisme de lecture de la situation en France, etc) pour se confronter aux difficultés rencontrées quand nous envisageons la construction d’une organisation politique afro – voire, notre réticence à le faire et notre méfiance des uns, des autres.
Ce que j’ai beaucoup aimé avec ce livre, c’est :
- sa praticité : le parti pris de s’adresser à un public donné (BLACKITY BLACK), sans présupposer ses acquis sur les questions de classe, de genre et de race rend la lecture facile; avec des sous-entendus à la popculture bien appréciée.
- sa critique accessible des milieux militants, qui permet à la fois de se remettre en question, et aussi de replacer historiquement les divergences et conflits actuels.
- les chapitres Negus amore et l’interlude sur le Black love : gold ! Il aurait été facile de parler uniquement de l’engagement afro sur le plan militant, mais qu’en est-il de l’intime ? Le choix de notre partenaire est-il politique ? Qu’en est-il de l’idéalisation du couple métisse ? Fania Noël-Thomassaint va, comme j’aime le dire souvent, “à la carotide” sur ces sujets sensibles. J’espère sincèrement qu’il y aura d’autres livres écrits par des femmes noires sur ces sujets.
Mon seul petit regret – pour le coup, très personnel, – est l’absence d’une petite bibliographie pour aller plus loin, notamment avec des références francophones pour sortir de l’idéalisation du militantisme afro-américain; mais les notes de bas de pages qui accompagnent la lecture constituent déjà quelques pistes, pour ceux et celles qui voudraient en savoir davantage.
En conclusion, Afro-communautaire : appartenir à nous-mêmes nous amène à choisir la place politique que nous voulons tenir dans le contexte actuel, et plus précisément dans la lutte afro-révolutionnaire. Nous ne sommes ni à la périphérie, ni voué à “répondre à”, ni en miroir de la lutte afro, antiraciste, anti-capitaliste et féministe; nous en sommes le centre. La question qui demeure est le choix entre la passivité et l’agentivité de notre personne, au sein de ce combat.
Merci pour les compliments : sur le livre de Fania et sur Syllepse.