Réflexion 5: "Je préfère la vraie vie avec des vrais gens qui militent" ou le slack activism

 

 

Ca fait un moment que je voulais analyser le cyber-activisme. Pour celleux qui me suivent sur Twitter, mon mémoire a eu le mérite d’être fun et de me permettre d’étudier les communautés virtuelles sur les réseaux sociaux – m’appuyant principalement sur l’Intelligence Collective de Pierre Lévy -, et surtout la manière dont la mobilisation virtuelle de plusieurs internautes peut constituer un contre-pouvoir.

Dit comme ça, on se dit que c’est de la théorie, mais mes petites visites çà et là et les rencontres avec des gens de Twitter m’ont considérablement convaincue sur la désinformation profonde sur le cyber-activisme en général. Fun fact, j’ai tiré cette réflexion d’une porte-parole d’Osez Le Féminisme sur Twitter.

Quelles sont donc les raisons de cette condamnation contre ce cyber-activisme ? Pourquoi y a-t-il constamment une remise en question de sa légitimité ? Et qu’y voient ses partisans sur Internet ?

Je remercie toutes les personnes sur Twitter pour leur participation dans ce débat très intéressant tenu ce matin, et j’espère que cette (petite) réflexion rendra compte de la complexité du cyber-activisme.

Cyber-activisme et Activisme : Papier – Ciseaux ?

Activisme, nom masculin: Attitude politique qui préconise l’action concrète.

Plus difficile par contre de trouver une définition complète ou officiel du cyberactivisme, mais je vous poste la petite bribe de Wikipédia :

Les termes de cybermilitantisme – ou de cyberactivisme – désignent les différentes formes de militantisme pratiqués à l’aide de l’Internet

Par Internet, on pourrait souligner la concentration du cyberactivisme sur les réseaux sociaux et les réseaux de blogs. Le cyber-activisme se distingue de plus en plus par la mobilisation et le monopole d’outils de partage comme le hashtag, la possibilité de partager des articles via des widgets, les citations, etc. En d’autres termes, le cyberactivisme mobilise des contenus diverses en vue de constituer un contenu militant, par l’analyse et le commentaire.

Ses principaux atouts ? Sa diffusion immédiate et l’interactivité qu’il offre, mais aussi l’absence de filtre médiatique (dans le sens où tout le monde peut fournir un post de blog, mais pas nécessairement publier un article dans la presse). Et, surtout, sa connectivite en temps reel avec un militantisme international.

Cette perméabilité permet aussi une accessibilité plus facile aux informations, et donc d’intéresser davantage de personnes, loin d’un imaginaire collectif où le cercle militant apparaît comme un cercle fermé et restreint, en marge.

 

L’interconnectivite des internautes permet la mise en place d’un reseau, de sorte que l’on m’a demande: ou commence le cyber-activisme. Mais celle-ci peut s’appliquer egalement au militantisme : ou commence-t-il ? A la prise de conscience ? Aux dialogues avec des proches ? Aux manifestations dans la rue ? 

En effet, la critique qui revient le plus souvent sur le cyber-activisme se situe au niveau de ce que l’on peut définir comme une action concrète. En effet, le cyberactivisme, appelé péjorativement “militantisme hashtag”, est constamment renvoyé à sa nature virtuel, et donc à son caractère immatériel, en comparaison aux manifestations, au xrencontres, aux organisations physiques IRL. Si tout le monde s’accorde plus ou moins sur l’efficacité de ces deux types d’activisme, il demeure cette hiérarchie du réel sur le virtuel, si ce n’est un réel dénigrement quand ce dernier attire les médias. Il y a cette passivité du virtuel mise en opposition à l’action sociale physique qui sous-tend la critique de l’activisime, mais aussi le fait que le virtuel ne peut pas être défini comme une finalité si l’on vise la révolution d’un système social.

Passivité du virtuel… ou passivité du médium ? La littérature engagée et d’autres médias ont été soumis au même procès, notamment a l’encontre d’un militantisme académique à qui l’on reprochait, historiquement, de ne  “lutter qu’avec des livres”. Pourtant, beaucoup de ces critiques semblent occulter que ces médiums textuels ont une pérennité rare : ainsi lit-on encore aujourd’hui les écrits de Marx, Malcolm X ou Audre Lorde pour donner sens à des actions physiques. Et même la transmission de ces actions physiques dans le temps se font via… les livres, les photographies, les témoignages.

Ainsi,  à définir le cyberactivisme comme passif, ne formulons-nous pas davantage un militantisme élitiste ? Cette passivité ne constitue-t-elle pas une invective visant à nourrir le portrait du “bon militant-isme”  et du “mauvais militant-isme” ?

 

Les cyberactivistes : des militants seconds, vraiment ?

Dans cette bataille de medium donc, entre pro-virtuel et pro-IRL (a noter que les pro-virtuels n’excluent pas l’IRL, mais le considerent comme une continuite), il y a vraisemblablement une volonte d’instaurer une valeur du militantisme: les cyber-activistes  sont constamment ramenes a cette caricature de l individu devant son PC, profil d’un militant second qui favoriserait l’Internet pour ne pas “vraiment agir”. La encore, on remarquera la subjectivite de la notion d’agir, comme si toute activite intellectuelle et virtuelle  (lire, ecrire des articles, interagir via le reseau) n’etaient pas “assez engage”.

 

 

La critique du cyber-activisme abrite  une remise en question de son influence et de sa potentielle légitimité. Il n’est donc pas étonnant de retrouver cette critique de la part d’un militantisme institutionnel, ou du moins de la part de militants déjà considérés, à l’égard d’autres militants.

Internet répond à la diversité des profils des militants et à leurs spécificités. Il démocratise l’acte de parole, notamment lorsque ces derniers sont victimes des corrélations de différentes discriminations – c’est pourquoi le cyberactivisme s’adapte particulièrement aux mouvements intersectionnels ou inclusifs, puisqu’ils comprennent des profils marginalisés , des identites plurielles.

Ces militants du net sont-ils des militants de seconde zone, donc ?

Non. La hiérarchie induite entre cyberactivisme et activisme n’est que le socle d’une hiérarchie entre le militantisme traditionnel et le cybermilitantisme, reposant a la fois sur une mystification du reel par rapport au virtuel (on retrouve le meme debat pour le livre papier VS livre numerique, par exemple) et sur des ressorts excluants en ne prenant pas en compte la diversité des militants:

Entre autres exemples, il est important de souligner que le recours à l’anonymat qu’offre les réseaux sociaux est un moyen dont dépendent certaines minorités silenciées.

La critique du cyberactivisme fait donc souvent l’objet d‘une valeur apposée au militantisme de chacun, et il est inquiétant de voir se banaliser ce discours sans concevoir le cyberactivisme comme un continuum vers l’IRL.

Est bon militant, celui qui descend dans la rue ? En participant à ce type d’injonctions, nous niions non seulement que l’accessibilité au militantisme dépend de nos privilèges, mais que se limiter au virtuel peut être le résultat d’une oppression. L’acte de parole et sa diffusion varie selon les minorités discriminées, invisibilisées et marginalisées; et ne donne pas nécessairement accès à cette continuité IRL.

 

Cet elitisme militant est nocif et devalorisant: il ne profite pas de cette permeabilite d’inclure des gens dans ce mouvement. Si l’on ne nie pas le pouvoir des organisations physiques, les réseaux sociaux permettent aussi un système de pression et d’influence sur les médias, notamment, et favorisent les rencontres par la suite, autant sur le plan des convictions que sur le plan humain. C’est sur cet aspect que nous reviendrons dans la seconde partie.

 

Pour aller plus loin :

Deux temoignages :

Les réseaux sociaux, mon militantisme et Moi. (partie 1): On construit nos pensées, nos réflexions, on s’ouvre à d’autres luttes, d’autres idées.”

http://thisseabreathesevil.tumblr.com/post/68819379902/les-reseaux-sociaux-mon-militantisme-et-moi-partie

Du militantisme par Internet : “est-ce que je considere mon activite sur Internet comme du militantisme ? Majoritairement, non.”

http://oi.crowdagger.fr/post/2014/04/04/Du-militantisme-sur-le-web

Une analyse globale des reseaux :

Le militantisme “presse bouton”: ‘Selon Madeleine Gauthier, c’est une forme d’interpellation politique des carences de nos institutions qui devraient incarner des idéaux de justice et d’égalité et dont les jeunes ne profitent pas.’http://www.iteco.be/antipodes/Jeunes/Le-militantisme-presse-bouton

 

P.S: desolee pour les accents manquants, la faute a un clavier qwerty par defaut ;)

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