Mary Prince, face à face avec une femme esclave

Après avoir assisté à la campagne succédant à Exhibit B, où bon nombre de personnes soutenaient qu’il n’y avait pas d’oeuvres mettant le spectateur en face à face avec le passé, un corps qui nous “regarde dans les yeux”, Mary Prince est un magnifique exemple pour faire taire ces inepties !

Sans surprise, beaucoup de femmes noires font la queue devant le petit théâtre où est produit cette pièce, attendant de rencontre Mary Prince. Moi-même, j’y ai retrouvé des amies aussi épuisées que moi après les manifestations contre Exhibit B, et curieuses de voir quelque chose d’autre. A peine nous sommes-nous installées, les lumières s’éteignent et la silhouette d’une femme en robe et aux cheveux bombées en deux grosses tresses, apparaît, presque imperceptible et énigmatique. Avant de voir son visage, c’est la voix de Mary Prince qui fait son entrée, pour nous raconter son histoire.

J’ai vu des conférences, des films et lus des livres sur ces femmes esclaves, mais rien n’est comparable à l’expérience de cette pièce ! Dans un monologue touchant, Souria Adele incarne une Mary Prince qui nous raconte crûment ses années de douleur où les moments de bonheur étaient bien épars, souvent préambule de nouveaux déchirements. On l’écoute parler de sa mère, de ses soeurs, de la manière dont elle fut vendue, de la maltraitance, de ses voyages dans les Caraïbes, des hommes… et toujours déracinée, en quête de cette liberté dont elle ne connaît que le nom. Les récits n’ont rien de comparable à ce visage et cette voix lourde sur scène. La démarche légèrement boiteuse de Mary Prince, appuyée d’une canne, prend sens à mesure qu’elle raconte les coups de fouet qu’elle s’est prise, nue et pendue par les poignets à un arbre.

Il y a bien sûr tout le contexte économique et législatif qui définit davantage ce qu’était réellement la prétendue liberté des esclaves affranchis qui, même obtenue, est ancrée dans un système raciste contraignant et brutalisant.

J’ai fini les larmes aux yeux devant cette pièce. Pas comme devant les films, les livres, les séries, les récits historiques, les photos que j’ai vu. Non, j’ai fini les larmes aux yeux comme je l’ai fait quand je voyais pour la première fois Racines, à l’âge de 8 ou 10 ans, avec cette colère sourde qui gronde de voir que cette Mary Prince a existé, quelque part, et enduré tant de choses.

Souria Adèle a pris le temps à la fin de la pièce de répondre à nos questions, et même si je n’ai pas eu le10872849_586288298170735_1761065474872802475_o temps de lui dire merci d’avoir fait germer ce projet, débuté en 2009, pour le porter sur scène en 2014 – et ce, sans subventions ! Mais surtout, Souria Adèle, c’est la comédienne martiniquaise qui, jouant la tante antillaise disait en créole dans un de ses sketchs “si je suis une femme de couleur, tu es donc une personne sans couleur!“, une phrase qui m’a marquée, tant par sa simplicité que par ce qu’elle révèle des projets artistiques de Souria !

COURREZ-Y AVANT LA DERNIERE ! D’autres dates en France seront annoncées ultérieurement 🙂

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