[BookReview] Complicit No More : la claque intersectionnelle qui fait du bien

Complicit No More

 

“Black feminism has also taught me how to be a better ally, because it insists that if I remain silent on issues that do not directly affect me, I become an accomplice to inequality and injustice”

“Le féminisme noir m’a également appris comment être une meilleure alliée, parce qu’il insiste sur le fait que si je reste silencieuse à propos des problèmes qui ne me concernent pas directement, je deviens une complice de l’inégalité et de l’injustice”.

Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à l’intersectionnalité, j’ai eu à faire ce choix particulier qui se présente à chacun(e): fermer les yeux et me taire sur le fait que mon confort repose sur les oppressions des uns et que mon oppression repose sous le confort des autres, ou l’ouvrir et en parler. Je me suis toujours dit que ne rien dire, c’était cautionner, être complice malgré tout avec les dominations établies. La lecture de Complicit No More m’a fait rappeler ces premières interrogations, rappelant comme il est facile d’être le complice d’une société aux oppressions et aux victimes diverses.

Reprenant l’intersectionnalité au sens propre du terme, les auteures de chaque article sont des femmes “racisées”qui parlent de leurs positions et de leurs vécus, suivant différentes intersections à la race, comme le veut la définition de Crenshaw.P ar différentes expériences, on traverse différentes conditions de féministes racisées, où la non-mixité des participantes à l’essai permet de se plonger dans une sorte d’incubateur du féminisme des femmes “racisées”. Et ça fait du bien ! Loin du bloc monolithique qui consisterait à englober toutes ces protaganistes, le noyau de ces approches étant la race permet d’appréhender le féminisme sur différents continents et des perspectives de collaborations internationales.

Ces dernières réflexions sont liées à la considération de l’espace publique, qui est très évoquée dans cet essai : être une femme queer dans une entreprise au dress code exigent, être une femme noire dans un poste à haute responsabilité au milieu des relations internationales, passer d’un espace médiatique où l’on est considéré partiellement à un espace occidental où l’on est invisible, etc.

Le rapport à l’espace et à la sororité est vraiment le socle des enjeux féministes. Il y a un certain optimiste lucide que j’ai retenu de cette lecture : loin d’une sororité “salvatrice” (du type “sauver les femmes musulmanes”, “sauver les femmes du tiers monde”), on pense une sororité qui a ses limites à la fois culturelles et politiques, mais aussi historiques (notamment par rapport à la mémoire du féminisme selon les pays).

Et, surtout, cette sororité, non divisive, mais divisée n’empêche pas une entraide dans la lutte contre le patriarcat. Bref, un concentré de pistes de réflexions qui montre qu’il reste des choses, pas seulement à faire, mais à construire.

Si beaucoup regretteront les quelques pages que constituent ce premier essai (seulement 140 pages environ) où toute la diversité des femmes n’est pas balayée, Complicit No More demeure un livre très riche, qui donne accès à pas mal de références par une courte bibliographie des auteurs, des noms de féministes peu connues, et des liens vers les associations ou essais dont elles se sont servies.

Vous pouvez visionner ici la conférence donnée par les auteures :

Media Diversified est à l’origine de ce projet, et on espère fortement qu’ils feront une seconde édition ! Ce livre est en anglais, mais je l’ai trouvé très accessible. Je n’aime pas vraiment les regroupements d’articles car je les trouve souvent inégaux, mais pour le coup, j’ai trouvé chaque article passionnant et je n’en ai pas esquivé un seul !

 

 

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