[BOOKREVIEW]”Sous mon voile”, parole d’une femme noire voilée

Back to basics : rien de tel qu’une bonne review de livres pour alimenter le blog ! Non pas que j’ai cessé de lire, mais le temps que j’y consacre est divisé entre plusieurs projets en route.

Il y a quelques semaines, la collection Raconter la vie, eux Editions Seuil, m’ont envoyé la présentation de cet ouvrage : Sous mon voile, de Fatimata Diallo; le témoignage d’une jeune femme malienne arrivant en France qui explique son cheminement après qu’elle ait décidé de porter le voile en France, et les discriminations qu’elle a subies depuis. Il était donc normal pour moi que je vous en parle sur ce blog…

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Dans ce livre d’une centaine de page, âgée de 18 ans lorsqu’elle quitte le Mali, Fatimata imagine la France comme un Eldorado, comme beaucoup d’autres avant elle. On suit donc ses adieux à sa famille, à son petit ami, à ce qu’elle connaît et on observe ses premiers jours à Paris, la ville grise, dans l’appartement de son oncle.

Si venir en France est un rêve de longue date, Fatimata perd très vite ses illusions, déchirée entre l’envie de profiter de toutes les tentations qu’incarnent ces immenses centres commerciaux, ces bars, ces sorties et cette apparente liberté et la peur de s’y perdre, aux dépends de ses études. C’est donc face à cet étau que Fatimata va se tourner vers sa foi, et décider de porter le voile,  après ses premières semaines à l’université.

Loin des clichés islamophobes véhiculés, pas de port du voile ou de mariage forcé, de femme influencée, etc… Fatimata décrit l’incompréhension de sa famille musulmane où le port du voile n’est pas commun, de son oncle soudainement distant et soucieux des difficultés qu’elle va rencontrer, du regard surpris de ses amis de fac. Pourtant, le port du voile n’est pour elle qu’un repère, une manière de se sentir en sécurité pour “faire les choses bien”. La rigueur qu’elle met dans ses choix lui est personnelle, et en lectrice, sans être d’accord ou non, on se demande surtout pourquoi on aurait quelque chose à y redire ? Visiblement, qu’il s’agisse des professeurs, des entretiens d’embauche, des agressions dans les transports en commun, il semblerait que le monde entier sache mieux que Fatimata ce que représente le voile pour elles.

Prier dans un local, vivre dans la précarité à force de ne recevoir que des lettres de refus, les maltraitances négrophobes et islamophobes sur les lieux de travail, le retour à la précarité, l’incapacité de suivre ses études, sa rencontre exceptionnelle avec des enfants où elle est traitée avec respect, la solidarité entre subsahariens et/ou musulmans, le climat après les attentats… Fatimata Diallo lutte constamment pour obtenir une indépendance qui lui est impossible d’obtenir dans ce pays, ni même ailleurs étant donné sa précarité. On regarde impuissant les impasses se succéder. Bien que sa famille et certaines de ses amies musulmanes lui conseillent d’ôter son voile sur le lieu de travail, ou au moins lors des entretiens, ou encore d’accepter les demandes en mariage qui lui sont faites, Fatimata s’y refuse : pourquoi devrait-elle choisir entre vivre librement et avoir un avenir ?

J’ai été particulièrement touchée par le témoignage honnête de cette jeune femme qui, malgré toutes les injustices qu’elle rencontre, continue d’avoir espoir. Car,elle l’explique elle-même, le plus dur n’est pas de persévérer, ça, elle n’a pas le choix. Mais cet espoir qu’elle nourrit et qui l’affaiblit chaque fois un peu plus, elle choisit de le conserver. La France est ce rouage qui la contraint peu à peu à se renfermer, à ne plus exister. On le voit particulièrement lorsque le mariage apparaît comme le seul moyen d’avoir la paix, d’avoir un espace où elle vivrait sa foi et librement et serait entretenue, mais aux dépends de son indépendance financière et sociale.

Des histoires comme elles, on en lit des bribes sur des statuts Facebook concernant les agressions de ces femmes, dans des articles isolés, sur les réseaux sociaux; agressées constamment par un pays qui ne laisse plus de place. C’est ce qui reste de ce témoignage pour moi : un pays qui ne laisse pas le choix d’être.

 Pour qui ?

  • Pour ceux et celles qui aimeraient avoir un témoignage aussi fort que pudique, loin du bruit des médias.
  • Pour ceux et celles qui sont fatigués de voir les femmes musulmans dépeintes comme incapables de faire des choix.
  • Pour les adultes mais aussi les plus jeunes…

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