Littérature jeunesse et diversité : pour tous les enfants, vraiment ? (2)

En ce début de Septembre, on ouvre la rentrée sur ce blog avec une série dont vous aviez apprécié le premier post : Littérature jeunesse et diversité , un répertoire de points de vue de parents soucieux que leurs enfants non-blancs ne se retrouvent pas dans la littérature jeunesse française. Une vraie préoccupation que Clumsy tenait à partager avec nous aujourd’hui ! Merci à elle et merci pour vos partages !

  • Pourriez-vous vous présenter un peu et dire l’âge de vos enfants ?

Je m’appelle Dia aka Clumsy sur le net. J’ai un blog dit « de maman » depuis un peu plus de 3 ans. Ce qui correspond à l’âge de mon fils.(clumsy.fr)

  • Quelle place tient la littérature jeunesse pour vous ? Est-elle importante pour vous en tant que parent ?

Je suis une grande lectrice ! J’ai grandi en face d’une bibliothèque et j’ai commencé très jeune à dévorer la littérature jeunesse depuis c’est quelque chose qui ne m’a pas quitté et même si j’ai beaucoup moins de temps à consacrer véritablement à la lecture j’achète toujours autant de livres !

En tant que parents, pour nous la première étape a été de familiariser notre fils à l’objet « livre », le lui faire aimer, éviter le rejet complet. J’ai beaucoup de livres à la maison. Il en a toujours vu, et dès l’âge de 6 mois j’ai acheté à mon fils son premier livre en tissu ! Depuis, on en achète souvent. Donc, oui la littérature jeunesse tient une place importante dans ma vie de parent : j’essaye de faire attention quand je choisis un livre pour mon fils  (et là je vais développer dans la question suivante !)

  • Si la littérature jeunesse est peu à peu remise en cause pour les clichés sexistes qu’elle colporte, un autre problème est assez présent : la représentation d’enfants non-blancs. En effet, le débat est assez vif dans les pays anglophones, comme le cas de la canadienne Zetta Elliott qui, en tant qu’auteur, dénonçait le manque d’implications et le racisme ambiant dans l’édition jeunesse. Avez-vous rencontré ce problème en France ? Si oui, comment palliez-vous à ce problème ?

C’est LA question que je n’ai pas encore eu le temps de traiter sur mon blog ! Alors merci d’évoquer le sujet Mrs Roots !

Le problème existe bel et bien en France et depuis un bon moment ! Quand j’étais plus jeune, je ne m’en apercevais pas. Je crois que nous sommes tous formatés à une pensée unique : à savoir que le blanc est la norme, surtout pour nous qui sommes né(e)s en France.

Un jour, j’ai lu « Signé Vendredi 13 » et l’héroïne est métisse ! ça m’a complètement retourné. Moi qui jusque-là n’avait lu que des livres avec des héros blancs du moins supposé blancs … Je m’en souviens encore aujourd’hui ça m’a vraiment marqué. J’ai 33 ans et je ne suis pas aussi militante ni aussi engagée que toi mais je suis du genre « Huey Freeman  (The Boondocks), » je n’accepte pas et je revendique haut et fort ma négritude. Le fait de répondre à tes questions m’a fait me demander d’où ce trait de ma personnalité me venait ? Je suis LA RELOUE, celle qui s’emporte contre les stéréotypes sur les noirs, contre la culture qui diffuse n’importe quoi sur l’Afrique, contre les discriminations, etc… je prends du recul et je critique. Je crois que je suis le fruit de mon époque (90’s) et mon éducation ! J’ai appris pleins de choses ces deux dernières années grâce à Twitter et aussi grâce à toi ^_^ (je m’égare)

Ma mère nous racontait des histoires quand nous étions petits (elle ne savait pas lire) la tradition orale a une fonction initiatique très profonde en Afrique mais également un rôle de transmission. Et à mon tour d’être mère, je suis responsable de ce petit bout d’homme qui sera un adulte demain : PRESSION ! Tout ça pour dire que mes choix en matière de littérature sont réfléchis et j’essaye d’être le plus éclectique possible : pour éviter de tomber dans le « il faut qu’il y ait un personnage noir sinon je n’achète pas »

Je n’ai pas le talent des conteurs africains donc j’achète des livres (et j’ai hâte que mon fils soit plus grand pour lui lire les contes d’Amadou Koumba de Birago Diop et Les contes initiatique peulhs de Hamadou Hampate Ba).

Je ne vais pas te mentir j’ai acheté des Tchoupi hein (classique de la littérature enfantine ^^) mais j’ai surtout eu la chance de tomber sur le net sur le 3e Salon Africain du Livre Jeunesse ! J’ai demandé des infos et surtout j’y suis allée pour faire le plein de livres ! C’était très bien, j’ai découvert des maisons d’éditions et j’ai acheté des bouquins pour mon fils ! Et il a adoré ^_^, un en particulier : « Siggly ne veut pas partager ses jouets » de   Takam Tikou. Il s’est complétement identifié aux héros de l’histoire tellement bien qu’il voulait que je change le prénom du héros par le sien. J’ai dû lui lire pendant des semaines …sachant que je déteste l’histoire du soir ! Ma conclusion : le fait de voir un héros qui lui ressemble n’est pas étranger à son attachement pour ce livre. Comme le dis si bien Chimamanda (c’est ma pote je l’appelle par son prénom !) : « Les histoires peuvent briser la dignité d’un peuple. Mais les histoires peuvent aussi réparer cette dignité brisée. » et « Quand on refuse l’histoire unique, quand on se rend compte qu’il n’y a jamais une seule histoire à propos d’un lieu quel qu’il soit, nous retrouvons une sorte de paradis. »

Alors évidement dans la littérature enfantine, on rencontre beaucoup de personnages dépeints sous les traits d’animaux (en général) c’est neutre, c’est sympa mais comme on a pu le voir chez Disney avec la Princesse et la Grenouille la soi-disante princesse noire passe la moitié du temps à être verte donc bon …VOILA QUOI

Je crois que la représentation des enfants non-blancs dans TOUS les domaines a des progrès à faire pas seulement dans la littérature jeunesse malheureusement…

Bref, comment je pallie à ce problème ? La vie est une question de choix. Je ne fais pas de mentir, j’aime et je consomme la culture populaire mais comme je l’ai dit au début je suis reloue donc je me pose des questions, je critique et j’essaye de ne pas absorber bêtement tout simplement. C’est donc tout simplement que j’’essaye d’inculquer ce sens critique à mon fils. Il y a quelques temps il a critiqué les personnages d’un dessin animé : PROUD MUMMY.

Nous avons besoin de livres diversifiés PARCE QUE nos histoires méritent AUSSI d’être dites.

Ensuite, les choix d’achats de livres sont réfléchis s’il prend le temps de me parler d’un livre de l’école (c’est arrivé deux fois cette année) alors j’achète pour que l’on puisse en parler et le lire ensemble. Pour le reste on va tous les deux à la bibliothèque notre petit rituel du samedi : je le laisse choisir je regarde un peu avant d’emprunter et voilà. Sinon j’y vais sans lui et je choisi en fonction du thème du moment : genre quand il ne veut pas se laver -__- où quand il ne veut pas partager, je ne m’étale pas car c’est ta question suivante ^^ Pour ce qui est des achats c’est la même chose à ceci prés que malheureusement il aime les licences -___- donc on a du CARS, du PLANES, etc…

 

  • L’affaire autour du livre jeunesse “Tous à poil” à questionner l’impact de la littérature jeunesse : on l’a présenté comme étant “dangereuse”, comme si l’on sous-estimait la construction de l’enfant par rapport à ce qu’il peut lire. En tant que parent, êtes-vous conscient de cet impact ?

La littérature a un impact certes mais je nuancerai car mes parents illettrés ne m’ont pas lu de livres et je vais bien merci. Certains parents détestent lire des histoires le soir (j’avoue c’est mon cas !) et quand j’ai pas envie,  je n’ai pas envie, je culpabilise plus. L’impact selon moi est limité la construction d’un enfant passe par beaucoup de choses et même si la littérature jeunesse (à mon sens) en fait partie c’est limité hein (mon fils ne veut toujours pas prêter ses jouets hein !)

Après, il est évident que lire une histoire avec un héros qui nous ressemble ça fait du bien de se sentir représenté de se sentir faire partie d’une histoire, tout simplement d’avoir un héros et si en plus il est positif c’est tout bénéf pour les petits qui s’identifient très vite (mais oublie vite aussi hein !).

Donc l’impact est réel bien sûr mais il faut aussi accompagne, expliquer, ne pas cacher, ne pas mentir etc…(l’accompagnement est la clé à mon avis)

 

  • La mixité raciale est souvent synonyme d’exotisme dans la littérature jeunesse, comme offrant un tour du monde, aux dépends d’une représentation moins lointaine : pourquoi selon vous, cela persiste-t-il ? Et quel message cela peut-il transmettre ?

Tout simplement parce que ceux qui écrivent du moins ceux qui sont mis en avant sont les mêmes qui ont un ami noir et portent des babouches achetés au Maroc tiens ! Ok je suis méchante avec les auteurs  passons aux éditeurs donc. Je ne sais pas si tu te souviens de cette intervention intéressante de Pénélope Bagieu lors de la grande farce antiraciste ? (Soirée de mobilisation du monde de la Culture contre la xénophobie mobilisation du monde de la Culture contre la xénophobie l’an dernier) Oui, intéressante parce qu’elle y parle du racisme ordinaire dans la publicité

 

Mon opinion : les clichés, les stéréotypes, les « je ne suis pas raciste mais … » ont la vie dure. Si tu grandis avec l’idée que certaines personnes sont ceci, ou cela si on t’apprend dès la base que les autres sont quantité négligeables alors il y a je dirais 95% de chances que tu reproduises ces schémas dans ta vie quotidienne ! C’est mon avis, peut-être ai-je tort mais je n’en reste pas pour le moins convaincue qu’apprendre à ses enfants à réfléchir à critiquer est important. Sortir de sa bulle, aller à la rencontre des cultures poser des questions et ne pas embrasser bêtement les dis clichés et stéréotypes seraient un bon début non ?

Si le racisme ordinaire décrit par Pénélope Bagieu a court dans le milieu de la publicité, pourquoi en serait-il autrement chez les éditeurs !

Le message que cela transmet : celui que je combats : la pensée unique elle qui nous rappelle constamment à quelle point le NORD est « évolué » par rapport aux sauvages.

Heureusement, les choses évoluent (lentement) mais surement et l’avènement d’internet et les réseaux sociaux y est pour beaucoup ! OUF ! Les Etats Unis sont beaucoup plus loin sur la question et sur amazon on trouve des livres avec des héros non-blancs et qui traitent de problématique spécifique comme les cheveux crépues pour les petites filles (pareil dès que j’ai les liens je t’envoie ça!)

Pour conclure, je dirais que les initiatives comme le 3e Salon Africain du Livre Jeunesse sont importantes non pas seulement pour nos enfants mais pour tous. Grandir et ne voir les autres enfants non blancs que par le prisme de l’exotisme, les clichés etc,… ça donne la société d’aujourd’hui

Une révolution est-elle nécessaire? je crois que oui !

Nous avons besoin de livres diversifiés à cause de tout ce qu’il y a dans ce cercle
We need diverse books” est un projet américain – et aussi une démarche éditoriale prise chez des éditeur/trices anglo-saxones en général – visant à promouvoir la diversité (de genre,  de race, mais aussi d’handicaps, etc) dans la littérature jeunesse .
 
Pour aller plus loin:
Diversité des livres jeunesses : une auteure insultée

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