“Et le féminisme africain, alors ?”

Me revoilà ! J’espère que vous allez bien depuis le dernier post.

Ces dernières années, j’ai tout entendu : du “pourquoi vous oubliez les femmes africaines ?” au “est-ce que l’afroféminisme, c’est pas un féminisme africain au fond ?“, en passant par “que faites-vous pour les femmes africaines ?” Le plus étonnant (non), c’est que la question m’a été posée par plein de gens, sauf des femmes noires, et encore moins des femmes africaines. Peut-être parce que *murmure* les femmes africaines n’ont pas attendu que l’afroféminisme soit en vogue dans les journaux français pour se gérer et s’organiser. Peut-être, hein ?!

Parmi les cercles de femmes noires que je côtoie, ce qui revient le plus souvent, c’est plutôt comment cultiver des alliances politiques avec des féministes africaines, dans une démarche décoloniale, une réflexion qui a toute sa place et sur laquelle de nombreux collectifs afroféministes se sont déjà penchés (eh oui !). Mon but dans cet article n’est donc pas de répondre à cette accusation en demi-teinte de ne pas “s’intéresser” aux féministes africaines, mais plutôt d’analyser les motivations parfois biaisées et problématiques de ce type de questions. Et qui sait, peut-être que des sistah en apprendront aussi sur ce sujet à l’occasion.

Par où commencer ?

Déjà, de quelles féministes africaines parle-t-on ? De quelle région du continent ? Parle-t-on seulement des femmes noires ? De quelle confession ? Francophone ou anglophone ?

Vous l’aurez compris, il est peut-être temps de cesser de penser que la situation des femmes noires est la même d’un pays à un autre; et de rappeler que se réclamer du panafricanisme n’exclue pas de s’interroger sur les spécificités de certains courants. Le continent africain compte 54 pays. Ce qui veut dire 54 gouvernements, 54 cultures, 54 modes de vie, et donc 54 contextes distincts. A la limite, ç’aurait déjà un peu plus de sens – juste un tout petit peu plus – de distinguer l’Afrique subsaharienne anglophone et celle francophone (et encore !). On pourrait aussi se pencher sur les similarités entre des pays de l’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, qui relèvent souvent des ethnies répandues sur plusieurs pays, et dont les différences se résument seulement à des frontières tracées par des colonisateurs (genre, au hasard, le Kongo). Mais au-delà de ça, rien n’excuse de faire des raccourcis sur les différents courants ou mouvements féministes africains parce qu’on n’a pas pris la peine de s’y intéresser.

Ce désintérêt est d’autant plus dangereux quand on sait que les idées et travaux des mouvements politiques du continent ne bénéficient pas des mêmes canaux de diffusion : pour rappel, si les africaines féministes les plus populaires sur la scène internationale sont anglophones, ce n’est pas un hasard – encore moins si elles sont issues d’une classe sociale élevée dans leurs pays, qu’elles ont eu la possibilité de faire leurs études en Occident, etc. Par exemple, il n’est pas rare que dans mes précédentes recherches sur le sujet, les premiers résultats trouvés étaient en anglais, écrits par des autrices africaines anglophones (beaucoup du Ghana, de l’Afrique du Sud, du Nigéria, etc). Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de travaux analysant le féminisme en Afrique du côté francophone, juste que, comme pour beaucoup de productions culturelles en général, l’anglais garantit un peu plus la circulation des productions des peuples minorisés (encore plus quand il s’agit de productions militantes). J’avais déjà parlé dans d’autres posts de ces rapports de force dans la diffusion des productions, n’hésitez pas à y jeter un coup d’oeil.

D’autre part, faire ces raccourcis où l’afroféminisme devrait “englober le féminisme africain”, c’est ignorer les enjeux qui existent autour d’une définition d’un “féminisme africain” et les conversations actuelles sur le continent. L’activiste sud-africaine Danielle Bower l’explique brièvement dans l’article Les défis du féminisme africain .

Explorer les relations entre le féminisme occidental et le féminisme africain est important, mais les arguments avancés ne nous mènent pas loin. Comme Salami le souligne : « Il est également important que les féministes africaines définissent leur propre doctrine idéologique pour le féminisme africain pour que nous puissions aborder les problèmes des femmes africaines ».

Le travail de mise en forme de cette doctrine est en cours et a été effectué par de nombreuses femmes, trop nombreuses pour les nommer. Ces femmes qui écrivent sur ce que signifie être femme ici et maintenant, et qui veillent également à ce que celles qui nous ont précédées ne soient pas oubliées. Ce travail ne peut être négligé. Il y a aussi des femmes de l’ombre dans différents lieux et contextes, notamment ruraux, qui se battent au quotidien pour l’avancée de leurs droits et remportent des victoires discrètes, hors des projecteurs.

Ce sont les femmes sur lesquelles écrit justement Boylorn dans « Le féminisme de Mama ». Par ailleurs, d’importantes discussions ont lieu actuellement, et doivent être approfondies sur le sens académique et les frontières du féminisme, car selon lui « le terme est né dans le monde universitaire, dans un environnement qui régit les comportements des individus pour déterminer qui peut ou ne peut pas être féministe et ce que cela veut dire », aura pour conséquence de cadrer le concept en excluant ainsi les femmes qui ne maîtrisent pas encore les codes.

Savoir rester à sa place (ou le “stay in your lane”)

En tant que femme afroféministe, afrodescendante et française, je pense sincèrement qu’un intérêt pour ce qui se joue sur la scène féministe en Afrique ne peut se faire sans une réelle déconstruction des réflexes paternalistes, ou même d’un discours impérialiste (arf, nous nous savons). Idem quand il s’agit de prôner un engagement décolonial sans adresser ou déconstruire son statut d’occidental, etc. Bref, il y a tant de ramifications à prendre en compte de là où nous sommes et elles ne sont pas toujours adressées.

Aussi, j’ai donc fait ce que certains ne font pas quand ils veulent simplement la réponse de ma bouche (oui, je suis très fatiguée des cris indignés “ET LES FEMINISTES AFRICAINES HEIN ?” alors que mon interlocuteur, souvent un homme, n’a même pas googlé) : taper “féminisme africain” sur Google. Il faut quand même relever qu’il y a un certain eurocentrisme à ne pas chercher les initiatives féministes africaines, juste parce qu’elles ne sont pas aussi visibles que le dernier livre d’Adichie – #noshade. De la même manière qu’il y a un manque de visibilité des littératures afro en Occident, et que ce manque se fait ressentir particulièrement sur les expériences afropéennes; il y a un effort à faire pour comprendre les idées féministes dans différentes régions d’Afrique, ses courants, etc. Et le web n’est évidemment qu’une première phase, l’idéal serait une rencontre et la nécessité de faire des ponts (mais qui a l’argent, même ?).

Ceux et celles qui me lisent depuis un petit moment le savent déjà : la raison pour laquelle il y a très peu de textes sur ce blog relatif aux féminismes africains, c’est bien parce que je fais le choix de ne pas me servir d’un contexte donné – le cas de l’afroféminisme en France, et des initiatives afroféministes occidentales – pour parler à la place de ses réelles actrices.

Et si l’on veut s’y intéresser vraiment ?

Par contre, rien n’empêche de se poser des questions pour comprendre où se situe notre engagement dans contexte international. Attention ! Les éléments qui vont suivre sont totalement arbitraires, et ne servent aucunement à rendre un panorama des courants d’un dit féminisme africain (comme je l’ai dit, ce n’est pas le but de cet article, et c’est un sujet de thèse en soit). Considérez donc ces quelques infos comme des pistes de réflexion à poursuivre, questionner, comparer, etc. Le choix des sources est malheureusement en grande majorité en anglais, surtout parce que les autrices des concepts cités sont elles-mêmes anglophones. J’ai fait de mon mieux, snif.

Féminisme africain précolonial VS post-colonial

Une de mes premières découvertes en bûchant sur cet article, c’était de réaliser à quel point, dans les mouvements féministes noirs en Occident, il y a une appropriation différente de certains discours dû à notre afrodescendance : là où l’on va être surexcitées à l’idée de voir des supports mettant en avant la reine Nzinga et d’autres figures féminines noires de l’ère précoloniale pour nourrir nos engagements, nos connaissances et la valorisation de notre africanité; les mouvements féministes africains connaissent une scission entre deux écoles.

Comme l’explique Maria-Louisa Wang’ondu dans son article What is African feminism? An introduction, la chercheuse Naomi Nkealah détaille dans son étude (West) African Feminisms and Their Challenges, les spécificités de ces deux écoles.

“However, there is a school of thinkers that views African feminism to be a divide between pre-colonial and post-colonial. Pre-colonial African feminism tries to decipher the roots of feminism in the continent. Women like Queen Nzinga, Adelaide Casely-Hayford, Charlotte Maxeke, Wambui Otieno, Lilian Ngoyi, Albertina Sisulu, Maragaret Ekpo and Funmilayo Anikulapo-Kuti among many others were feminist because they fought against colonialism as well as patriarchy. But although they were feminist in the sense of the verb “feminist”, the first wave of self-defined African feminists — ideologically and politically — emerge later.
Post-colonial African Feminism is viewed to be the era when,  largely inspired by Black and Third World feminisms elsewhere, small groups of African women start labelling themselves feminist. This type of feminism is viewed from the lenses of radical African feminism (in Africa, this was marked as finding a voice), Afro-centric radical feminism ((theories like motherism emerge in this category),  and grass-roots African feminism. “


“Cependant, il existe une école de penseurs qui considère le féminisme africain comme un clivage entre le pré-colonial et le post-colonial.

Le féminisme africain précolonial tente de déchiffrer les racines du féminisme sur le continent. Des femmes comme la reine Nzinga, Adélaïde Casely-Hayford, Charlotte Maxeke, Wambui Otieno, Lilian Ngoyi, Albertina Sisulu, Maragaret Ekpo et Funmilayo Anikulapo-Kuti étaient féministes parce qu’elles luttaient contre le colonialisme ainsi que le patriarcat. Mais bien qu’elles fussent féministes au sens du terme «féministe», la première vague de féministes africaines autoproclamées – idéologiquement et politiquement – émergera plus tard.

Le féminisme africain postcolonial est considéré comme le moment où, largement inspirés par le féminisme noir et du tiers-monde ailleurs, de petits groupes de femmes africaines commencent à se dire féministes. Ce type de féminisme est perçu du point de vue d’un féminisme radical africain (en Afrique, cela signifie qu’il faut trouver une voix), d’un féminisme radical afro-centrique ((des théories comme le maternisme émergent dans cette catégorie) et d’un féminisme africain de base. “

Merci Google Traduction, ahem.

Sur la base de la page Wikipédia, qui est plutôt complète, j’ai poursuivi les recherches sur les différents courants du dit “féminisme africain” qui y étaient listés, et qui sont de bonnes pistes pour savoir où commencer.

Femmisme (Womanism)

Ce qu’on trouve sur Wikipédia :

Catherine Acholonu note que le féminisme est utile. “Le féminisme a pour objectif l’émancipation triomphale de la femme, un individu unique sans influences patriarcales et sans soumission abusive à la tradition.” Cependant, même si les notions générales du féminisme accordent des libertés politiques, sociales et économiques aux femmes, le féminisme est souvent accusé de nier et d’ignorer les expériences des femmes issues de minorités ethniques, et surtout noires. En raison de cette exclusion, le femmisme a émergé au sein de communautés africaines et afro-américaines7. Le femmisme africain s’appuie sur une perspective africaine, une géopolitique afro-centrée, et une idéologie africaine. Il ajoute aux questions féministes classiques la culture, le colonialisme et les autres formes de domination qui affectent les femmes africaines8.

Ce que j’ajouterai : je n’ai pas réussi à trouver d’autres références sur ce courant sous le nom Femmisme, il s’agirait donc d’une traduction littérale du terme “womanism”, qui peut prêter à confusion.

Maternisme

Concept aussi défini par Acholonu.
Ce qu’en Wikipédia en dit :

Dans son livre Motherism: The Afrocentric Alternative to Feminism, Catherine Obianuju Acholonu écrit que le féminisme occidental a pour équivalent africain le Maternisme, et que le maternisme est composé de la maternité et de la nature nourricière. Le maternisme (motherism) est une théorie multi-dimensionnelle qui inclut les structures humaines et naturelles. Un materniste est quelqu’un qui s’engage pour la survie et la maintenance de la Terre-Mère, et qui en comprend les combats humains. Acholonu soutient qu’un materniste peut être femme ou homme, et que le maternisme n’a pas de barrières de genre, parce que le maternisme s’appuie sur le partenariat, la coopération, la tolérance, l’amour, la compréhension et la patience. Le maternisme exige une complémentarité homme-femme qui assure la complétude de l’existence humaine dans un écosystème équilibré.

Ce que j’ajouterai :

Alors, j’aurais tendance à prendre des pincettes avec la traduction française de cette page Wikipédia pour ce passage, parce qu’à la première lecture, on pourrait penser la maternité comme grossièrement “des femmes ayant des bébés”. Or, dans un article que je ne retrouve plus , il est expliqué qu’Adoloshu s’intéresse à la participation des femmes issues de milieux ruraux comme étant “nourricières” et soutien de leurs sociétés : “she looks at African Motherism, a maternal form of feminism that sees rural women as performing the necessary task of nurturing society”. L’agriculture fait donc partie de ces terrains nourriciers. Une nuance qui évite le contresens sur le maternisme comme mouvement reposant seulement sur la capacité des femmes cis à procréer (après, y a clairement un parti pris hétéronormé, etc).

Stiwanisme

Ce qu’en dit Wikipédia :

Fondé par Omolara Ogundipe-Leslie, le Stiwanisme se concentre d’abord sur les structures qui oppriment les femmes et sur la façon dont les femmes réagissent à ces structures institutionnelles9. Ogundipe-Leslie affirme que le combat des femmes africaines est un résultat des structures coloniales et néo-coloniales qui mettent souvent les hommes africains tout en haut de la hiérarchie sociale. Il est également une conséquence de la façon dont les femmes africaines ont internalisé la patriarchie, et ont commencé à soutenir elles-mêmes ce système.

Ce que j’ajouterai :

En cherchant un peu plus, j’ai trouvé dans le document Feminism: The Quest for an African Variant de Sotunsa Mobolanle Ebunoluwa, les intentions d’Omolara Oqundipe-Leslie derrière la création de ce concept (Stiwanism est la contraction de Social Transformation Including Women in Africa ) :

“[Je]… Voulais souligner le fait que ce que nous voulons en Afrique, c’est une transformation sociale. Il ne s’agit pas en guerre avec les hommes, l’inversion du rôle, ou faire aux hommes tout ce que les femmes pensent que les hommes ont fait depuis des siècles, mais il essaie de construire une société harmonieuse. La transformation de La société africaine est à la fois la responsabilité des hommes et des femmes et est également dans leur intérêt. le nouveau mot décrit ce que les femmes de même esprit aimeraient voir en Afrique. le Le mot “féminisme” lui-même semble être une sorte de chiffon rouge pour le taureau des hommes africains. Certains disent que le Par sa nature même, le mot est hégémonique ou implicite. D’autres trouvent [dans ce terme]l’accent sur les femmes en quelque sorte menaçant … Certaines qui se préoccupent réellement d’améliorer [la condition des] femmes se sentent parfois gênées d’être qualifiées de «féministes» à moins d’être particulièrement fort en caractère.

A noter également que, là où le maternisme se propose comme une alternative au féminisme occidental, le Stiwanisme insiste sur une rupture consommée avec celui-ci et se centre exclusivement sur les femmes en Afrique. Rappelez-vous, la théorie AfricanaWomanism prônait la même distanciation de l’Occident, mais dans un contexte américain, afin de revendiquer un féminisme noir réclamant son africanité.
Néanmoins, ce qui m’a fait sourire, c’est qu’en lisant ses motivations, la création du Stiwanism, comme le Maternisme (et la vision du féminisme d’Adichie par ailleurs), semblent s’assurer que la lutte féministe soit faite avec les hommes/en partenariat. Du coup, ne sont-ils pas à leur manière des courants voisins du négo-féminisme ?

Négo-Féminisme

Ce qu’en dit Wikipédia :

La féministe, autrice, et chercheuse Obioma Nnaemeka définit le terme de Négo-féminisme dans son article Nego-Feminism: Theorizing, Practicing, and Pruning Africa’s Way.” Elle écrit : “Le négo-féminisme est le féminisme de la négociation, et un féminisme “no ego”, structuré par les impératifs culturels, et modulés par les exigences locales et globales”10. La plupart des cultures africaines cherchent la négociation et le compromis : dans le négo-féminisme, les négociations jouent un rôle essentiel. Pour le féminisme africain, il faut que les féministes négocient, et fassent parfois des compromis, afin de gagner leur liberté. Nnaemeka écrit que le féminisme africain fonctionne si on sait “quand, où, et comment faire détoner ou contourner les terrains minés patriarcaux”.

Ce que j’ajouterai :

Le négo-féminisme traverse pas mal de livres écrits par autrices africaines, j’y retrouve personnellement – via cette définition – un peu de ce qui transparaît dans Une si longue lettre de Mariama Bâ.

Féminisme de l’escargot

Ce qu’en dit Wikipédia

Le féminisme de l’escargot est une théorie proposée par Akachi Adimora-Ezeigbo. Elle encourage les femmes nigérianes à travailler aussi lentement qu’un escargot dans leurs interactions avec les hommes, étant donnée « la société très dure et patriarcale dans laquelle elles vivent ». Ezeigbo propose à la femme « d’apprendre des stratégies de survie qui lui permettront de surmonter les obstacles qu’on lui impose et de vivre une belle vie ».

Ce que j’ajouterai

Concernant les intentions d’Ezeigbo dans la création de ce concept, elle explique :

Cette théorie découle de l’habitude des escargots que la plupart des femmes africaines adoptent dans leurs relations avec les hommes. Les femmes ici adoptent souvent une attitude de conciliation ou de coopération avec leurs hommes. Cela ressemble à ce que l’escargot fait avec l’environnement dans lequel il évolue et existe. L’escargot rampe doucement et efficacement sur les rochers, les rochers, les épines et les terrains accidentés avec une langue lubrifiée, qui n’est ni endommagée ni détruite par ces objets durs… C’est ce que les femmes font souvent en Afrique pour survivre dans la dure culture patriarcale de l’Afrique (24) . Ce qui précède suggère que la position afrocentrique sur le féminisme repose sur la conciliation.


Quid de l’inclusivité ?

Même si vous et moi avons bien compris qu’il n’est pas question ici d’appliquer une grille de lecture reposant sur des réflexes occidentaux, il n’est peut-être pas passer inaperçu que les définitions des courants ci-dessus balayaient principalement les corrélations de genre, de classe et de race dans une perspective décoloniale. Mais, est-ce que ça va plus loin ? Eh bien, oui ! Comme je le disais, cet article – déjà beaucoup trop long, seigneur – est une liste de pistes pour en connaître davantage, mais il est facile de trouver des collectifs africains mobilisés sur les oppressions visant les communautés LGBTQI+, l’écoféminisme aussi, ou encore la lutte contre le validisme.

Un exemple, pour n’en citer qu’un, est la contribution de Kharnita Mohamed, autrice sud-africaine, lors de la conférence African Feminism colloquium intitulé Six Mountains on her Back, le 21 juillet 2017 (date où je souffle mes bougies, si c’est pas une preuve de qualité ça… mais je m’égare) . Elle souligne la nécessité d’une lutte décoloniale contre le validisme :

One intersection of feminism that is often forgotten or ignored is disability. Kharnita Mohamed, an anthropologist from the University of Cape Town, spoke about the importance of recognising disabled people, expressing that
they are not one uniform group with the same struggles. Mohamed noted the importance of developing disability studies in South Africa that would be more inclusive of African bodies and be more realistic, given that the majority of studies have taken place in the North. “Very little disability theory makes connections to race or gender and very little of it would think about what it would be to be decolonial,” she explained. This led to discussion on the ways it would be possible to decolonise feminist disability studies for people in an African context.


Une intersection du féminisme souvent oubliée est celle de l’handicap. Kharnita Mohamed, anthropologue à l’Université du Cap, a souligné l’importance de reconnaître les personnes handicapées et a déclaré: ils ne sont pas un groupe uniforme avec les mêmes luttes. Mohamed a souligné l’importance de développer des études sur le handicap en Afrique du Sud, qui incluraient davantage les Africains et qui seraient plus réalistes, étant donné que la majorité des études ont été réalisées dans [les pays du Nord]. “Très peu de théories du handicap établissent des liens avec la race et le genre, et parmi celles-ci, très peu atteste l’aspect décolonial”, a-t-elle expliqué.

Qu’en conclure ?

Après ces quelques recherches, on peut voir certaines tendances dans les concepts cités (la maternité, la concertation ou coalition avec les hommes, etc) mais comme je le dis, c’est une liste non-exhaustive. Il faudrait tout un article sur le féminisme africain et la tradition (quelle qu’elle soit). Résultat, j’ai encore plus de questions qu’avant (j’espère que c’est aussi votre cas, héhé), mais je pense qu’elles vont trouver leurs réponses dans ce dialogue nécessaire que nous devons avoir avec des féministes africaines sur le terrain. Par exemple :

  • Est-ce que le rejet de la colère ou de toute agressivité dans les concepts féministes présentés ci-dessus est dû à des raisons culturelles, ou est-ce le cadre académique de ces concepts qui force les autrices à une certaine respectabilité ? Les féministes “agressives” ont d’ailleurs été théorisés et désignées comme “Woe-men”.*
  • Est-ce qu’il y a des collectifs féministes africains qui prônent la non-mixité, vu la négrophobie systémique dans les pays africains où la population majoritaire est non-noire ?
  • Est-ce que des collectifs féministes africains travaillent à une réappropriation de la notion de genre, telle qu’elle existait durant l’ère pré-colonial (c’est à dire avant que la colonisation impose son assignation des genres) ?
  • Qu’est-ce qui est défini comme un féminisme africain radical sur le continent ? Est-il forcément en rupture avec la tradition ? la religion ?

Tellement de questions ! Pour l’heure, vous pouvez également fouiller du côté de ces personnes :

Je m’arrête là, mais j’espère que ce long article vous aura plus. Hésitez pas à laisser vos commentaires et à très vite !

* je suis désolée, j’ai ri un peu parce que son auteur – oui, oui, un homme – les juge comme ” souvent agressives, déraisonnables et excessivement sentimentales dans leurs approches des questions de genre. Souvent sensibles et douloureuses, elles sont prêtes et désireuses d’attaquer les hommes dans leurs écrits et leurs actions. Ils se comportent comme si une calamité créée par l’homme leur était arrivée et qu’elles devaient se venger pour affirmer leur être”. Je suis désolée, mais dans un papier qui se veut théorique, prétendre qu’une compilation de clichés misogynes est une analyse, j’ai pas pu résister.

5 thoughts on ““Et le féminisme africain, alors ?”

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *