Notes 1. Nuits particulières.

  • Encore une fois, la nuit nous est toujours particulière, avec ses nouveaux desseins. Je surprends parfois Mathilde, assise sur le carrelage du petit balcon, fumant dans la nuit des écumes de pensées ou encore est-ce à l’aube que je la surprends, toujours à la même place, étaler du vernis foncé sur les ongles de ses pieds quand le ciel devient lumineux et qu’à l’horizon, la mer berce la côté de son indécente beauté.Les nuits de Mathilde sont silencieuses; mais nous en avons appréciés le goût lorsque, repues d’alcool et de désir, nous sommes revenues de soirées.

    Ce sont dans ces nuits si particulières que l’on peut parler du noir. Je me souviens que c’est dans le noir que Po  m’avait parlé d’elle, que nous avions échangés nos blessures de femmes noires, bestialisées et sexualisées, leur beauté démembrée à perpétuité.

    Les récits de nos corps offraient une version différente : c’était comme pointer du doigt les cicatrices marquantes, quand on ne parlait que des égratignures le jour. Regarde cette peau noire, regarde ce pigment qui justifie que l’on demande les papiers de ma mère, regarde cette mélanine trop élevé qui justifie que l’on déshabille mon père à l’entrée d’un magasin, et ce, pour une baguette de pain
     
     Regarde mon teint, peu plus clair que mon grain de beauté, et pour lequel on me suit, me dénigre, me dévisage, m’efface, m’ignore, me discrimine, me moque, me tait et me tue, aux quatre coins du monde. C’est toujours dans le noir, là où nos peaux se confondent, que l’on raconte ces histoires là, celles où l’on nous perce le flanc parce que notre sang n’est pas assez rouge.
     
    Notes extraites de mon carnet.
     

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