Après une virée au Zimbabwe, direction le Ghana avec Notre quelque part ! Un quelque part qui se situe dans un village reculé du Ghana où Yao Poku nous raconte comment la découverte d’une masse en décomposition dans une habitation à bouleverser la vie paisible de son village. En effet, la venue des policiers ghanéens va soulever beaucoup d’interrogations autour des restes organiques retrouvés : humain ? animal ? placenta ? L’horreur et l’incompréhension sont telles que la policier ghanéenne décide de faire appel à Kayo, seul médecin médico-légale du pays. Pragmatique, le jeune homme va devoir apprendre à laisser la raison et la science pour écouter le folklore, les Anciens et les Esprits s’il veut résoudre cette énigme.
Cela fait des années que je n’avais plus lu de livres comme une enfant, avec des “ooh” et des “aaah” murmurés entre les pages, et j’imagine que cette saveur si particulière est ce pourquoi j’aime tant les contes africains. En effet, entre conte et polar, Nii Ayikwei Parkes nous emmène dans un village reculé où il questionne à la fois un recul que chacun devrait prendre face au monde moderne, pour s’interroger davantage sur les leçons issues des histoires et des traditions. A la fois critique de l’avidité des hommes et indulgent face à cette nécessité à savoir le pourquoi du comment, j’ai vraiment retiré de cette lecture la notion d’écoutes, et de partage. Les afrodescendants qui connaissent les histoires “du pays” auront un malin plaisir à retrouver cette atmosphère si intrigante, avec les histoires et les légendes sur les esprits d’Afrique.
La violence domestique fait aussi partie de l’histoire et, même s’il est difficile de ne pas trop en dire, j’ai trouvé ces passages honnêtes sur la manière dont est traité cette violence sur les femmes.
Mais l’une des prouesses de ce roman est sans doute sa traduction par la traductrice béninoise Sika Fikambi : mêlant pidgin, twii et français, le parti pris de la narration a vraiment fait en sorte de rendre véritable une parole africain, inspiré des “parlers”hybrides dans les pays africains francophones. Je n’ai jamais lu un livre qui restituait ce que je pouvais entendre dans la rue, et, à mon sens, cette traduction et ce parti pris narratif de l’auteur questionne la fidélité de la traduction, et sa capacité à respecter l’esprit ghanéen ou autre d’un livre, au lieu de lisser celui-ci pour un lectorat occidental, par soucis d’accessibilité.
Bref, à lire !