Réfléxion 2: "Les noirs sont toujours des dominés"

“L’histoire des Noirs n’a pas commencé avec l’esclavage”

Si hier soir, tu étais devant le reportage de Capital sur l’Ethiopie et les rythmes de production de certaines entreprises managées par des Chinois, si devant cette émission, tu t’es retrouvé à penser “Les noirs ont toujours été des dominés”. Ou si simplement, tu as déjà et/ou penses toujours de cette manière: Félicitations, tu as intégré le racisme ambiant !  

L’autre fois, je te parlais déjà de cette nouvelle tendance du “raciste mais pas trop”. Mais c’était sans compter le racisme que tu portes en toi. Oui, tu sais, cette petite part qui te fait sortir des phrases toutes faites telles que : “Les noirs sont toujours des dominés”.

D’où ça vient ? Instinctivement, tu es tenté de te justifier, de pointer du doigt tes cours d’histoire, de dire qu’il n’y a qu’à voir ce qu’on dit à la télé, en cours d’histoire ou ailleurs. Tu vas me parler des bébés africains avec le ventre gonflé qui meurent de faim, et de la famine. Tu vas me parler des guerres aussi. Tu vas me sortir ces images symptomatiques d’une Afrique de misère, parce que c’est ce que tu as toujours vu. C’est ce qu’on t’a appris. Tu oublieras soigneusement le règne des Egyptiens, car l’on t’a appris cette dissociation entre l’Afrique noire et l’Afrique du Nord et tu te perdras dans cette masse informe de ces pays dont tu oublies le nom.

C’est cette masse, ce bloc massif qui fait d’un reportage sur une usine en Ethiopie, accoucher d’un généralisant et rabaissant “Les noirs sont toujours des dominés“. Ah tiens, les Noirs sont forcément des Ethiopiens ? Il existe un pays appelé la Noirie ? Je ne savais pas. La vérité, c’est que ce racisme intégré est, bien qu’institutionnalisé, le résultat de ta méconnaissance. En Afrique, ce continent aux nations diverses, en 2013, des projets émergent: que ce soit dans la mode, les technologies, l’écologie…Etc.

C’est la faute aux autres, à la société aussi.  C’est pas faux. Mais c’est aussi la tienne.

Je ne suis pas plus intelligente, j’ai découvert tardivement qu’il y avait autre chose. Qu’il y a eu des Empires, des rois et reines. Que durant l’esclavage, la colonisation, il y a eu des résistances, des luttes, des victoires comme des défaites. Tu savais qu’il y avait eu des romanciers esclaves, bien avant le film 12 years a slave ? Que De Gaulle s’était réfugié à Brazzaville pendant la Seconde Guerre Mondiale ? Moi pas, alors j’ai fouillé, j’ai lu sur le net çà et là. J’ai parlé à des gens et j’ai posé des questions. Ce dont tu te rends compte, c’est que ces mêmes personnes qui te font ce portrait de l’Afrique ne savent pas plus que toi.

Ne pas savoir est une chose. Mais savoir qu’on ne sait pas et perpétuer cette ignorance, c’est cautionner et véhiculer encore ces portraits. Si tu fais le choix de ne pas réfléchir parce que l’Afrique ne t’intéresse pas, de quel droit juges-tu  alorsce qui s’y passe ? De quel droit nies-tu simplement son évolution ?

C’est qu’un tweet. Qu’une opinion. Mais penser que nos opinions sont des productions individuelles, indépendantes de tout ce que nous avons appris, de tout ce que nous voyons, entendons autour de nous; est faux. C’est se donner trop d’importance alors que nous ne faisons qu’articuler des généralités du fait d’un discours général ambiant. Notre parole reprend une narration dominant nos individualités. En d’autres termes : ces généralités toutes faites qu’on dégobille comme si elles étaient le produit de nos réflexions les plus intenses, sont simplement les résidus d’opinions plus grandes que nous. 

On t’a appris que la pluie gelée était désignée par le mot neige. Mais il y a un peuple qui utilise neuf termes pour désigner ce que tu vois, parce qu’ils ont appris à distinguer neuf états de cette neige. Qui a raison ? Tu n’es pas mieux qu’eux, ils ne le sont pas mieux que toi. Alors comment on fait ?

La question n’est pas de déclarer la véracité de ce qu’on ne connaît pas, mais de questionner la véracité de ce que l’on connaît déjà.

Les pays africains ont une histoire avant l’esclavage, et ils en ont une encore aujourd’hui. En 2013, il y a des hommes et des femmes qui changent leurs pays. Mais toi, tu balayes tout ça, leurs histoires, leurs combats et leurs identités parce que ce ne sont que “des noirs qui ont toujours été des dominés“. Non, ce que tu sais faire, c’est regarder la télévision en tweetant sur ton portable; parce que c’est plus facile, plus rassurant, de regarder ce qui passe à la télé.

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